Bigre de Pierre Guillois

(crédit photo : Pascal Pérennec)

MAISON DE POUPEES – ILS VECURENT MALHEUREUX ( ?)

Il était une fois trois voisins célibataires un peu paumés vivants côte à côte sous les toits d’un immeuble urbain. Ou plus précisément, deux voisins et une voisine – le détail a son importance. La pièce s’ouvre sur un décor fait de bric et de broc tel le bizarre bazar de Ben, mais dans lequel on distingue nettement les espaces de vie des trois personnages. A jardin le mini loft aseptisé d’un maniaque du design minimaliste. Tube fluorescent. Lumière blanche. Au centre, la tanière encombrée d’un bricoleur bohème. Sombre, branlante et 70’s. Enfin à cour, le boudoir de la dame, rehaussé de velours rosé. Ambiance feutrée et éclairage tamisé.

Imaginez-vous une maison de poupées peuplée de pantins dont Pierre Guillois -à la fois metteur en scène et interprète – tire les ficelles. Imaginez-vous maintenant que les poupées ressemblent de gauche à droite à Demis Roussos, Buster Keaton et Bridget Jones : le premier adepte du karaoké en japonais, le second célibataire gringalet, et la troisième, gaffeuse invétérée. Animez le tout ; c’est une valse à trois. Bienvenue dans Bigre ! Inutile de parler du texte, il n’y en a pas : parfois quelques grognements, beaucoup de bruitage et des bandes-son (Brel en japonais, J’ai encore rêvé d’elle, etc.). Les dialogues ? Au spectateur de les inventer car le propre de Bigre consiste à solliciter son imaginaire en le laissant rattacher les mésaventures des personnages à ses propres expériences. Or l’imaginaire nous entraîne vers l’enfance. Epoque insouciante où l’on rit de bon cœur et où la cruauté n’est pas non plus absente – mais souvent sans grande conséquence. De fait, la pièce nous propose ce rétro-voyage, en compagnie de comédiens finalement plus proches des marionnettes ou des héros malchanceux des films muets. Pas loin non plus, la lecture de la BD dont on tournait avidement les pages pour accéder à la fin.

COMMENT EXPLIQUER LA CONDITION HUMAINE A UN LAPIN

Certes, le spectacle pourrait exhaler un parfum désuet. Et pourtant il est atemporel, puisque les évènements qui arrivent à ces trois-là, nous sont arrivés tôt ou tard : les petits bonheurs et les épouvantables déboires, les névroses dont nous sommes tous plus ou moins prisonniers. La jeune femme qui, pour tromper la solitude, s’accroche désespérément à son poisson rouge. Et le gringalet du milieu qui ramène un lapin (réel) qui finira en (faux) ragoût. Enfin le toqué de propreté qui multiplie les séances de karaoké devant son écran. Dieu sait que ces trois-là ne sont pas dégourdis en relations humaines. Durant une heure des aventures rocambolesques se multiplient et des couples se font et se défont. Ou plutôt ce sont des solitudes qui se rencontrent et qui explosent. Deux garçons et une fille offrent plus de possibilités que vous n’imaginez !

Avouons-le, Bigre ne fait pas toujours dans la dentelle et vous n’échapperez pas à la plaisanterie la plus pipi-caca : les toilettes occupent presque le premier rôle, et une éclaboussure de merde mémorable aura le mot de la fin. Mais rappelons que l’humour scatologique n’a jamais été très loin du théâtre et qu’il constituait même un ressort important de la commedia dell’arte. Il reste qu’on ne s’ennuie à aucun moment dans ce spectacle filant à toute allure. Somme toute les chemins sinueux de la vie sont plus drôles qu’on ne l’imagine !

Sophie Rieu

Conception et mise en scène: Pierre Guillois
En co-écriture et avec : Pierre Guillois, Agathe L’Huillier, Olivier Martin-Salvan
Assistant artistique : Robin Causse
Costumes : Axel Aust
Décors : Laura Léonard
Lumière : Marie-Hélène Pinon
Effets spéciaux : Abdul Alafrez
Coiffure et maquillage : Catherine Saint-Sever
Son : Roland Auffret
Construction de décors : atelier JIPANCO
Régie générale & lumière : David Carreira
Régie son : Loïc Le Cadre
Production //coproduction : Le Fils du Grand Réseau- Le Quartz – SN Brest, Théâtre de l’Union – CDN du Limousin, Théâtre de la Croix-Rousse, soutien Lilas en scène, Centre d’échange et de création des arts de la scène Site du Théâtre de l’ Croix Rousse : http://www.croix-rousse.com

Du 29 septembre au 3 octobre 2015
Durée : 1 h 25

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